Évolution de la Biodiversité⎢Îles Malouines⎢2023

Les manchots
de Volunteer Point

En partenariat avec Falkland Conservation

Lorsqu’il arrive pour la première fois aux Malouines en mars 1833, Darwin fait vite la rencontre du manchot de Magellan, dont il relève les curieuses manières et les bruits étranges. Deux siècles plus tard, on peut encore apprécier la compagnie des manchots, présents partout dans l’archipel mais rassemblés en grandes colonies au nord-est des Malouines, à Volunteer Point.

Nous avons accompagné la scientifique Amanda Kuepfer, qui réalise des comptages de manchots pour le compte de Falkland Conservation. Ce travail de long terme, qui a commencé il y a environ 40 ans, permet aux scientifiques de suivre précisément l’évolution de la santé de ces oiseaux emblématiques du grand sud. 

1833

Cet oiseau est communément appelé le pingouin jackass, à cause de son habitude, lorsqu’il est sur le rivage, de jeter sa tête en arrière et de faire un bruit fort et étrange, très semblable au braiment d’un âne ; mais tandis qu’en mer, et non dérangé, sa note est très profonde et solennelle, et est souvent entendue pendant la nuit. En plongée, ses petites ailes servent de palmes ; mais sur terre, comme pattes avant. En rampant, on peut le dire à quatre pattes, à travers les touffes ou sur le flanc d’une falaise herbeuse, il se déplace si rapidement qu’on pourrait facilement le confondre avec un quadrupède. Lorsqu’il est en mer et à la pêche, il vient à la surface dans le but de respirer avec une telle source, et replonge si instantanément, que je défie quiconque à première vue d’être sûr que ce n’était pas un poisson sautant pour le plaisir.

– Charles Darwin, Voyage du Beagle, 1833

 

2023

On trouve trois espèces de manchots à Volunteer Point : le Royal, le Magellan et le Papou. La colonie de manchot royal n’existait pas à l’époque de Darwin, les plans anciens témoignages rapportent sa création au début du XIXe.

Les comptages réalisés par Falkland Conservations révèlent une tendance relativement stable de la population des trois espèces au cours des dernières décennies.

Certaines espèces en dehors de Volunteer Point, comme les gorfous sauteurs, ont vu leur population s’effondrer au cours du XXe siècle. La principale cause est la pratique de la pêche industrielle.

Le dérèglement climatique provoque une aridification progressive des Malouines, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les populations de manchots.

1833

Cet oiseau est communément appelé le pingouin jackass, à cause de son habitude, lorsqu’il est sur le rivage, de jeter sa tête en arrière et de faire un bruit fort et étrange, très semblable au braiment d’un âne ; mais tandis qu’en mer, et non dérangé, sa note est très profonde et solennelle, et est souvent entendue pendant la nuit. En plongée, ses petites ailes servent de palmes ; mais sur terre, comme pattes avant. En rampant, on peut le dire à quatre pattes, à travers les touffes ou sur le flanc d’une falaise herbeuse, il se déplace si rapidement qu’on pourrait facilement le confondre avec un quadrupède. Lorsqu’il est en mer et à la pêche, il vient à la surface dans le but de respirer avec une telle source, et replonge si instantanément, que je défie quiconque à première vue d’être sûr que ce n’était pas un poisson sautant pour le plaisir.

– Charles Darwin, Voyage du Beagle, 1833

 

2023

On trouve trois espèces de manchots à Volunteer Point : le Royal, le Magellan et le Papou. La colonie de manchot royal n’existait pas à l’époque de Darwin, les plans anciens témoignages rapportent sa création au début du XIXe.

Les comptages réalisés par Falkland Conservations révèlent une tendance relativement stable de la population des trois espèces au cours des dernières décennies.

Certaines espèces en dehors de Volunteer Point, comme les gorfous sauteurs, ont vu leur population s’effondrer au cours du XXe siècle. La principale cause est la pratique de la pêche industrielle.

Le dérèglement climatique provoque une aridification progressive des Malouines, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les populations de manchots.

Débarquement à Volunteer Point

Débarquement à Volunteer Point ! Ce matin, nous avons quitté le port de Stanley à 6h30 du matin, profitant d’une belle fenêtre météo qui devrait durer deux jours et demi. Par vent de nord-ouest, nous naviguons d’abord au portant pour quitter Port Williams, puis nous remontons vers le nord par vent de travers, en longeant l’extrémité de Berkeley Sound.

Arrivés à la pointe de Volunteer, nous contournons Uranie Rock : notre objectif n’est plus très loin, à peine plus de 5 milles nautiques, mais nous faisons maintenant face au vent, qui fraîchit de minute en minute. Nous remontons au vent à grande peine : la houle est bien installée et les embruns s’abattent sur le cockpit au rythme des vagues.

Des cormorans impériaux, curieux, volent autour de notre navire, avec une facilité déconcertante. Bel accueil. Alors que nous arrivons au nord de Volunteer Beach, le Cap Carysfort, situé légèrement plus au nord, nous abrite un peu du vent : nous jetons l’ancre.

Notre objectif est simple : débarquer sur la plage, à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’endroit où Charles Darwin a entamé son exploration des îles Malouines, et documenter la vie des manchots. Plus facile à dire qu’à faire ! En effet les vagues se brisent sur la plage et rendent le débarquement difficile. Nous enfilons nos combinaisons de survie en néoprène, et protégeons notre équipement de tournage dans des sacs étanches.

Grand bien nous en a pris ! L’arrivée est un peu délicate, mais Alexis pilote le petit bateau pneumatique avec précision. Entre deux séries de grosses vagues, nous arrivons finalement sur la plage, un peu mouillés, mais sans s’être retournés. L’exploration peut commencer : de belles rencontres nous attendent.

Le Manchot Royal

Le roi des manchots, c’est lui ! Le manchot royal (Aptenodytes Patagonicus) est le plus grand manchot de toutes les Malouines, avec sa taille d’environ 1 mètre. C’est à Volunteer Point que l’on trouve la plus grande colonie de toute l’île, avec environ 2000 couples reproducteurs.

C’est l’animal le plus curieux que j’ai jamais vu. Il se laisse approcher de très près, et ne semble pas le moins du monde importuné par ma présence. Il ne faut cependant pas l’approcher à plus de 5 mètres : c’est la règle pour tous les animaux sauvages des îles Malouines. Sur la plage, il y en a plusieurs centaines.

Certains viennent de sortir de l’eau, car c’est dans l’océan qu’ils trouvent leur subsistance (ils se nourrissent de poissons), d’autres attendent probablement d’y aller. Leurs ailes ne leur permettent plus de voler depuis longtemps : elles leur servent à se déplacer sous l’eau à vive allure. La plupart sont parfaitement fixes, parfois seuls ou en petits groupes. Leur surprenant immobilisme leur donne des airs de conspirateurs.

On trouve des manchots royaux essentiellement en Géorgie du Sud, une grande île située à plus de 1500 kilomètres à l’est. La colonie de Volunteer Point est donc plutôt petite, mais il est intéressant de noter qu’elle n’existait probablement pas à l’époque de Darwin. Les témoignages les plus récents de sa présence ne datent que des années 1950 : comment donc cet oiseau est-il arrivé ici ? Les scientifiques ne le savent pas très bien.

Toujours est-il que la population de royaux (les « Kings » en anglais) a tendance à s’accroître d’année en année : voici un changement plutôt bienvenu entre l’époque de Darwin et la nôtre !

Le Manchot Papou

Ce petit manchot Papou a faim ! En continuant notre exploration de Volunteer Point au-delà de la plage, nous rencontrons une colonie de manchots papous (Pygoscelis papua) dont beaucoup de jeunes, probablement nés il y a quelques semaines seulement.

La plus ancienne description scientifique de ce manchot date de 1781, réalisée par Johann Reinhold Foster, le naturaliste qui accompagnait le capitaine Cook lors de son voyage autour du monde, précisément aux îles Malouines. Voici donc une espèce que Darwin a probablement croisée lors de ses pérégrinations aux Falklands, même s’il n’a pas expressément décrit cette espèce !

Les Papous sont monogames, l’infidélité est d’ailleurs souvent punie d’une exclusion de la colonie. Deux œufs sont produits chaque année, dont la couvaison est assurée par le père et la mère, qui se relaient chaque jour pendant environ un mois avant que les œufs n’éclosent. Les jeunes manchots tout juste nés arborent un duvet pendant les 3 premiers mois de leur vie (comme on peut le voir sur la première photo), puis muent avant de pouvoir partir en mer.

Filmer et photographier la vie de la colonie est absolument fascinant. Assis à quelques mètres seulement de la colonie, nous observons les allées et venues des adultes qui partent se nourrir en mer, puis reviennent pour nourrir leurs petits. Ceux-ci réclament leur nourriture à grands cris, ce qui crée une amusante cacophonie.

Demain, nous rencontrerons Amanda, une scientifique qui travaille à Falkland Conservation et dont le travail est d’estimer l’évolution de la population de Volunteer Point.

Amanda et le comptage des poussins

Je vous présente Amanda Kuepfer, une scientifique spécialiste des oiseaux de mer. Amanda habite les îles Malouines depuis 8 ans (c’est d’ailleurs très précisément aujourd’hui l’anniversaire de son arrivée !), d’abord attirée par l’étude des albatros qui se trouvent en grand nombre à l’ouest des îles. Elle travaille maintenant comme coordinatrice du programme de surveillance des oiseaux chez Falkland Conservation.

Armée d’un simple compteur mécanique à main, elle fait le tour des différents cercles qui composent la colonie et observent attentivement les oisillons. Un, deux, trois, quatre… jusqu’à plus de 1600 ! Elle ne réalise pas ce travail toute seule : elle est accompagnée de 2 bénévoles, qui travaillent exactement de la même manière. À la fin de la journée, ils comparent leurs chiffres, et s’ils ne diffèrent pas de plus de 10%, c’est que le compte est bon.

Cette année, environ 1600 oisillons sont comptés, ce qui donne une indication précieuse sur le succès de la reproduction. Un chiffre qu’Amanda compare avec ceux de l’année précédente : un peu plus de 1500 en 2021. Sur l’ensemble des sites de reproduction des Falklands, les scientifiques observent une tendance relativement stable voir en légère augmentation pour les manchots Papous.

Ce travail, réalisé depuis 34 ans, permet à Falkland Conservation d’être attentif à la dynamique de l’espèce et de réagir rapidement si une forte diminution de la population était observée. Un plan d’action serait alors déclenché, consistant à intensifier la recherche scientifique pour mieux comprendre les causes de la décroissance et proposer des actions de conservation (restauration des écosystèmes, réduction des perturbations causées par le tourisme par exemple).

C’est ainsi que des scientifiques comme Amanda, en plus de nous permettre de mieux comprendre la nature autour de nous, sont aussi des acteurs incontournables de la préservation de la biodiversité !

Manchots contre goélands

Je voulais partager avec vous cette photo, qui représente une scène très commune sur la colonie de manchots papous (Pygoscelis papua). On y voit un goéland de Scoresby (Leucophaeus scoresbii) face à un Papou adulte en train de nourrir son petit.

L’objectif du goéland est simple : voler la nourriture que le manchot est sur le point de régurgiter pour nourrir l’oisillon. Voici un exemple très frappant de cleptoparasitisme, un mot un peu barbare qui désigne le comportement de dépendance partielle d’une espèce par rapport à une autre pour son approvisionnement en nourriture.

Les goélands sont de grands spécialistes en la matière, et pas seulement aux îles Malouines ! Il n’est pas rare de se faire voler son goûter sur les côtes françaises par des espèces comme le goéland argenté ou le goéland marin.

Résident des Falklands, les goélands de Scoresby se trouvent non seulement sur les colonies de manchots papous, mais aussi aux côtés des lions de mer ou des cormorans de Magellan.

Le Manchot de Magellan

Voici le manchot de Magellan, Spheniscus magellanicus ! Ce manchot-ci complète la collection d’espèces de manchots que l’on trouve à Volunteer Point, avec le manchot royal et le manchot papou.

En 1834, Darwin écrivait à son propos : « On appelle ordinairement cet oiseau le « manchot-âne », parce qu’il a l’habitude, quand il est sur le bord de la mer, de rejeter la tête en arrière et de pousser des cris qui ressemblent, à s’y méprendre, au braillement d’un âne ; quand, au contraire, il est en mer et qu’on ne le dérange pas, il pousse une note profonde, solennelle, qu’on entend souvent pendant la nuit. »

« Quand il plonge, il se sert de ses petites ailes en guise de nageoires, mais sur terre il s’en sert comme de jambes de devant. Quand il se traine, on pourrait dire à quatre pattes, […] il se meut si vite, qu’on pourrait facilement le prendre pour un quadrupède. En mer, quand il pêche, il remonte à la surface pour respirer et replonge avec une telle rapidité, que je défie qui que ce soit, à première vue, de ne pas le prendre pour un poisson qui saute hors de l’eau pour son plaisir. »

Je peux confirmer tout à fait l’ensemble de ses observations ! Je rajouterai qu’il s’agit d’un oiseau migrateur, il ne reste donc pas à l’année à Volunteer Point. On l’y trouve lors de la période de reproduction, pendant laquelle les couples creusent un terrier dans le sol, juste au-dessus de la plage, dans lequel les oisillons naissent puis passent les premiers mois de leur vie.

Il faut ainsi faire très attention à l’endroit où l’on pose ses pieds en marchant à proximité des manchots de Magellan : les terriers, qui font pourtant jusque’à 2 mètres de profondeur, risqueraient de s’effondrer sous le poids d’un visiteur ! Même s’ils ne sont pas considérés comme menacés par l’IUCN, Falkland Conservation a récemment constaté une légère diminution de la population des Magellans aux îles Malouines.

La colonie des Rois

Coucher de soleil sur la colonie de manchots royaux 🐧☀️ Après les avoir vus sur la plage, nous nous rendons sur la colonie d’Aptenodytes Patagonicus, située à quelques minutes à pied de la plage. Le spectacle est à couper le souffle : des milliers d’individus se côtoient à l’intérieur d’un cercle d’environ deux cents mètres de diamètre.

En fait, j’entends la colonie avant même de la voir. Les sons cumulés produits par les manchots créent une véritable cacophonie. Leur cri bref, précis, curieusement semblable à un bruit de drone qui s’envole, est essentiellement utilisé pour repérer leur partenaire et leur progéniture. À cela s’ajoutent les sons d’altercations entre mâles, qui parfois se battent en utilisant leurs ailes.

Il y en a tellement que je ne sais plus où donner de la tête. Je crois n’avoir jamais vu d’aussi grand rassemblement d’animaux sauvage, à part peut-être certains bancs de poissons ou nuées d’oiseaux ! Le soleil qui se couche crée une lumière rasante qui découpe la silhouette de chaque individu. J’en reste bouche bée.

Vol au dessus d’un nid de manchots

Voici une des rares photos aériennes de la colonie de Volunteer Point ! Alors que nous filmions les manchots royaux, nous avons reçu la visite de Derek Patterson, le gardien des lieux. Derek est intéressé par notre matériel de captation d’images, et plus particulièrement notre drone. Non pas qu’il soit difficile d’en acheter un ici aux Malouines, mais la difficulté, c’est d’obtenir les autorisations pour le faire voler.

Comme nous sommes la première équipe à avoir ces précieuses autorisations depuis 5 ans, c’est une occasion inespérée de prendre des photos de la colonie vue du ciel ! Car c’est en effet la seule méthode 100% efficace et précise pour compter le nombre de paires reproductrices de manchots royaux, réunis en un groupe compact de plusieurs milliers d’individus au sein duquel il est impossible de circuler à pied.

Sous nos yeux, le drone s’envole, et prend de l’altitude. J’en profite pour faire une jolie photo de la colonie sous le coucher de soleil, avant de continuer à monter pour faire la photo dont Derek a besoin : une photo « zénitale », drone exactement au centre de la colonie et caméra qui pointe vers le bas.

Plus tard, bien au chaud dans sa maison, Derek commence le comptage. Une opération fastidieuse, puisqu’il va compter manuellement… 2091 paires reproductrices ! Un chiffre en augmentation constante depuis le début des comptages, dans les années 1970.

Cette bonne santé de la colonie de manchots royaux, doublée d’une population stable voir en légère augmentation de manchots papous et manchots de Magellan, ne doit pour autant pas occulter des changements inquiétants dans les paysages de Volunteer Point. Le premier sujet de préoccupation de Derek, c’est l’érosion progressive des sols liée à une sécheresse de plus en plus intense. Un signe clair que, malgré une bonne gestion locale de la biodiversité (dont un contrôle strict des perturbations externes comme le tourisme), le dérèglement climatique risque d’impacter sérieusement la santé des écosystèmes.

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