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Le grand retour
de l’ibis rouge

En partenariat avec Instituto Guaju

L’Ibis Rouge (Eudocimus ruber), appelé Guará en langue indigène, est un oiseau habitant l’Amérique du Sud et une partie des Caraïbes. Il a donné son nom à la municipalité de Guaratuba, littéralement « le lieu aux nombreux Guarás » dans la langue indigène locale. A Guaratuba, son existence est intimement liée à l’état de la mangrove.

Dans les années 1930, sa population s’éteint complètement suite à une chasse massive. Nous documentons les efforts de la population de Guaratuba pour maintenir l’extension de la mangrove et la qualité de l’eau, et les efforts de conservation entrepris par l’Instituto Guaju, association citoyenne de préservation de la biodiversité.

1832

Le chenal par lequel nous allions et revenions d’Olinda était bordé de chaque côté par des palétuviers qui jaillissaient comme une forêt miniature des bancs de boue graisseuse. La couleur vert vif de ces buissons m’a toujours rappelé l’herbe folle d’un cimetière : tous deux se nourrissent d’exhalaisons putrides ; l’un parle de la mort passée, et l’autre trop souvent de la mort à venir.

Il faut se rappeler qu’au sein des tropiques, la luxuriance sauvage de la nature ne se perd pas même aux abords des grandes villes ; car la végétation naturelle des haies et des coteaux l’emporte par un effet pittoresque sur le travail artificiel de l’homme.

– Charles Darwin, Voyage du Beagle

2022

La mangrove brésilienne, écosystème récurrent de la forêt tropicale Atlantique, a vu son extension s’effondrer avec le développement urbain côtier. La biodiversité qui y est liée a ainsi largement diminué depuis l’époque de Darwin.

Si la ville de Guaratuba a toujours pris soin de la mangrove qui l’entoure, les Ibis Rouges (Guaras) qui l’habitaient jusqu’au début du XXe siècle ont été exterminés à la suite du commerce intensif de leurs plumes.

Les efforts de la population de Guaratuba pour préserver l’extension de la mangrove et la qualité de l’eau ont conduit à un retour naturel des Ibis Rouges au début du XXIe siècle.

1832

Le chenal par lequel nous allions et revenions d’Olinda était bordé de chaque côté par des palétuviers qui jaillissaient comme une forêt miniature des bancs de boue graisseuse. La couleur vert vif de ces buissons m’a toujours rappelé l’herbe folle d’un cimetière : tous deux se nourrissent d’exhalaisons putrides ; l’un parle de la mort passée, et l’autre trop souvent de la mort à venir.

Il faut se rappeler qu’au sein des tropiques, la luxuriance sauvage de la nature ne se perd pas même aux abords des grandes villes ; car la végétation naturelle des haies et des coteaux l’emporte par un effet pittoresque sur le travail artificiel de l’homme.

– Charles Darwin, Voyage du Beagle

2022

La mangrove brésilienne, écosystème récurrent de la forêt tropicale Atlantique, a vu son extension s’effondrer avec le développement urbain côtier. La biodiversité qui y est liée a ainsi largement diminué depuis l’époque de Darwin.

Si la ville de Guaratuba a toujours pris soin de la mangrove qui l’entoure, les Ibis Rouges (Guaras) qui l’habitaient jusqu’au début du XXe siècle ont été exterminés à la suite du commerce intensif de leurs plumes.

Les efforts de la population de Guaratuba pour préserver l’extension de la mangrove et la qualité de l’eau ont conduit à un retour naturel des Ibis Rouges au début du XXIe siècle.

La découverte des Guaras

Le Guará est un des plus beaux oiseaux qu’il m’ait été donné de voir. Avec l’équipe de l’Instituto Guaju (une association locale de protection de l’environnement), nous avons exploré la baie de Guaratuba à la recherche de ce magnifique ibis aux plumes rouges (le nom commun de cette espèce est l’ibis rouge).

Nous avons exploré la mangrove à bord du petit bateau à moteur de nos nouveaux amis, Fabiano, Edgar et Marcos. Équipés de jumelles, ils scrutent la partie supérieure des palétuviers, ces arbres aux grandes racines qui vivent les pieds dans l’eau salée. Tout d’un coup, j’entends un cri joyeux : ils sont là !

D’un rouge vif contrastant avec l’arrière-plan d’un vert saturé, une douzaine de Guarás sont en train de digérer leur repas, perchés sur l’arbre comme des fruits mûrs qu’il est temps de cueillir. Alors que nous nous en approchons le plus discrètement possible, j’observe de mieux en mieux les détails de leur anatomie. Les plumes sont toutes rouges, à l’exception du bout des ailes d’une couleur bleue foncée, presque noire. Leur long bec incurvé est utilisé pour fourrager dans la vase à la recherche de nourriture, leurs longues pattes leur permettent de rester au-dessus du niveau de l’eau quand la marée monte. J’ai très peu de temps pour les photographier, car les oiseaux, craintifs, prennent leur envol au moment où ils perçoivent le bruit lointain de notre moteur au ralenti.

Nous continuons notre exploration au Dormitorium, une petite île isolée au centre de la baie de Guaratuba, où tous les Guarás de la région se rassemblent pour dormir chaque nuit. Il est un peu plus de 5 heures de l’après-midi : le ciel s’assombrit et prend des teintes oranges et rouges, alors que le soleil descend doucement derrière les crêtes des montagnes. Bientôt, des centaines d’ibis apparaissent de toutes les directions, volant par petits groupes d’une vingtaine.

Edgar, Fabiano et Marcos sont aussi excités que des enfants à l’ouverture des cadeaux de Noël. De plus en plus d’oiseaux arrivent, volant au-dessus de nos têtes pour atterrir élégamment sur les branches des palétuviers. Nos amis de l’Instituto Guaju apprécient d’autant plus le spectacle que les Guarás avaient totalement disparu de la baie pendant 80 ans, avant de revenir mystérieusement il y a quelques années.

Chasse à la plume et disparition

Au début du XXe siècle, de plus en plus de Guarás sont chassés pour leurs magnifiques plumes d’un rouge vif, utilisées pour décorer les robes des Européennes pendant l’entre-deux-guerre (entre 1920 et 1930). En seulement quelques décennies, c’est toute la population d’oiseaux qui disparaît. Pour les habitants de Guaratuba, c’est un choc, d’autant plus que le nom de la ville vient précisément de la présence des ibis rouges (Guaratuba veut littéralement dire « le lieu où se trouvent de nombreux Guarás » dans la langue indigène locale).

« Voilà 80 ans que l’oiseau à disparu, 80 ans que l’on a perdu l’emblème de notre ville », me disent Fabiano, Marcos et Edgar. Ce fut un épisode d’autant plus douloureux que Guaratuba a toujours eu à cœur de protéger sa biodiversité. La ville a été fondée en 1782 par les colons européens, dans une région qui était déjà occupée par des tribus indigènes depuis des millénaires. Dix ans plus tard, en 1792, la première loi de préservation de l’environnement est adoptée, pour éviter la surpêche.

En 1992, toute la baie est déclarée réserve naturelle, avec l’objectif de protéger la biodiversité et de préserver la qualité de l’eau. La région n’a jamais accueilli d’industrie lourde et n’a jamais été exploitée pour l’agriculture, les terres n’étant pas adaptées à ces activités (la mangrove est très humide et le sol y est instable). Enfin, Fabiano me confie que la philosophie indigène de connexion intime avec la Nature est encore très vivante dans le cœur des habitants.

L’Instituto Guaju est une association créée par Fabiano, Marcos et Edgar, avec un rêve un peu fou : celui d’admirer de nouveau le vol gracieux des Guarás dans la baie, après une disparition de 80 ans. Mais comment comptent-ils s’y prendre ?

Le projet de réintroduction

J’ai l’honneur de vous présenter Marcos, passionné d’oiseaux et un des membres fondateurs de l’Instituto Guaju. Marcos ne se soucie que d’une chose : admirer la beauté du vol des oiseaux. « Pourquoi ? », lui demandé-je alors que nous visitons une volière construite par ses soins, abritant des oiseaux en danger d’extinction destinés à être relâchés dans la Nature. « Je ne sais pas pourquoi je les aime tant. Ils font partie de notre environnement, nous avons une responsabilité envers eux,celle de les aider à vivre. »

Loin des Guarás que nous avons admirés le jour précédent, je suis maintenant entouré d’une autre espèce, les Jacutingas, de magnifiques oiseaux noirs ornés d’une crête noire, de barbillons d’un rouge vif et d’un bec aux reflets bleutés. Marcos les élève ici pour s’assurer que l’espèce ne s’éteigne pas dans la région. Il n’y pas si longtemps, une autre partie de la volière était sensée accueillir des Guarás… mais les oiseaux ne sont jamais venus, et aujourd’hui il ne reste qu’une grande cage vide d’environ 30 mètres carrés.

En effet, en 2008, tout était prêt pour l’accueil des Guarás dans la baie de Guaratuba. L’espèce avait beau avoir disparu de la région au début du XXe siècle, plusieurs foyers de population existaient encore dans le pays. Avec Edgar et Fabiano de l’Instituto Guaju, et en collaboration avec l’Université du Paraná, le plan de Marcos était très simple : faire venir des Guarás du nord du Brésil, les installer dans la volière le temps qu’ils s’adaptent, puis les relâcher dans la Nature.

Quelques jours avant l’arrivée des oiseaux dans la volière, l’impensable se produit : un pêcheur hors d’haleine vient voir Marcos. « J’ai… vu… un… Guará ! » Un Guará a été repéré dans la baie !! Mais comment cet oiseau s’est-il retrouvé là, tout seul ?

Le grand retour de l’ibis rouge

Avec Fabiano et Marcos de l’Instituto Guaju, nous retournons sur le lieu précis où le premier Guará a été observé, en ce jour mémorable du 23 juin 2008. À bord d’un petit bateau en bois, avançant silencieusement à l’aide d’une simple pagaie, nous nous approchons d’un banc de vase où un ibis rouge se nourrit paisiblement.

Fabiano et Marcos se rappellent de cette journée avec émotion. « C’était un orgasme ornithologique ! » s’écrit Marcos, les yeux rieurs. « Après avoir passé toute une vie à écouter les anciens raconter des histoires de Guarás, on peut enfin profiter du spectacle de nos propres yeux ! » En effet, le contraste entre les plumes rutilantes de l’oiseau et le gris du banc de vase est saisissant, presque irréel.

« Comment a-t-il pu revenir de lui-même à Guaratuba ? », demandé-je à Fabio. « Nous pensons que plusieurs individus ont fait le chemin depuis une colonie près de São Paulo. Les Guarás sont des oiseaux sédentaires, mais ils volent très bien par ailleurs. Quelques individus sont d’abord arrivés, puis c’est toute une population qui s’est reconstituée au fil des années. Il y a maintenant plus de 4000 Guarás dans la baie ! Ce qui a été décisif, c’est qu’ils ont trouvé ici un environnement préservé, moins impacté par les activités humaines que le reste du pays. »

La politique de préservation de la Nature appliquée par la ville depuis la fin du XVIIIe siècle n’aura pas pu empêcher la disparition de l’espèce en 1920. Mais elle a contribué, au fil des années, à maintenir un écosystème de mangrove sain et une excellente qualité de l’eau, qui ont permis le développement de la population d’oiseaux après l’arrivée inattendue de plusieurs individus à Guaratuba.

Les habitants de la ville ont manifestement réussi à établir une relation harmonieuse avec la biodiversité de la région. Les pêcheurs utilisent de petits bateaux à l’intérieur de la baie, tandis que des navires plus grands pêchent la crevette à l’extérieur. La ville est concentrée sur la rive sud, laissant l’essentiel de la baie dans son état naturel. Aujourd’hui, tout le monde peut aisément admirer le vol des ibis rouges : le rêve de Marcos, Edgar et Fabiano s’est réalisé.

Partager avec la jeunesse

Partons admirer les Guarás avec les enfants ! Un des objectifs de l’Instituto Guaju, maintenant que les Guarás sont revenus à Guaratuba, est de s’assurer que tout le monde puisse profiter du spectacle de l’oiseau le plus célèbre de la baie. Ainsi, ils organisent régulièrement des sorties en mer pour les écoliers de la ville, une initiative appelée fort à propos « Amigos do Mar » (les amis de la mer).

À bord d’un bateau pirate loué pour l’occasion, nous naviguons avec une quarantaine d’écoliers vers le Dormitorium, l’île que nous avons explorée il y a quelques jours et où les ibis dorment chaque nuit. Alors que les Guarás volent au-dessus de nos têtes, les enfants poussent de grands cris d’émerveillement, les yeux grands ouverts et un immense sourire jusqu’aux oreilles.

Ícario est l’un d’eux. Alors que nous nous approchons lentement des oiseaux, je lui demande ce qu’il ressent. « Je suis tellement excité de les voir ! » Pour lui et la plupart de ses camarades, voir les Guarás d’aussi près est une grande première. « Ils deviennent rouges à force de manger des Caranguejos, de petits crabes mauves qu’ils trouvent dans la vase avec leur long bec. C’est pour cela que les jeunes sont encore gris alors que les adultes sont rouges ! ». Je suis impressionné de la connaissance de ces jeunes.

« Plus ils seront proches de la Nature, plus ils défendront la biodiversité une fois adultes », me confie Fabiano, qui participe à l’expédition avec un plaisir non dissimulé. Pendant que nous attendons l’arrivée d’autres oiseaux, Cécile raconte aux enfants l’histoire de Captain Darwin, et comment nous avons navigué depuis l’Angleterre pour être avec eux aujourd’hui. Fabiano profite de l’occasion : « Vous voyez, les enfants, dans la vie, tout est possible, pour les garçons comme pour les filles. Vous devez croire en vos rêves ! ».

Nous revenons à Guaratuba avec de nouveaux amis, et une certitude renforcée : une meilleure connaissance de la Nature et une relation émotionnelle avec elle sont les clefs d’une société durable.

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