Transformation des Paysages⎢Îles Malouines⎢2023
Les moutons
de Port Louis
Le 1er mars 1833, Darwin arrive pour la première fois aux Malouines. Le HMS Beagle mouille au nord-est de l’archipel, à proximité de la seule enclave alors habitée : Port-Louis. Il décrit ainsi le paysage qu’il découvre : « Une terre vallonnée, d’aspect désolé et misérable, est partout recouverte d’un sol tourbeux et d’herbe filiforme, d’une couleur brune monotone. »
Deux siècle après son passage, les Malouines comptent environ 3000 habitants, la plupart à Port Stanley, la capitale. Port Louis, situé légèrement plus au nord, est devenu une ferme productrice de laine. Reçus par son propriétaire, Peter Gilding, nous en explorons les paysages.
La peinture de Conrad
Sur cette peinture, on peut observer les quelques bâtiments construits par l’autorité britannique, qui vient de s’établir aux Malouines après en avoir chassé une petite colonie argentine : ils sont alors seulement quelques dizaines. Sur la partie gauche de la peinture, on note la présence de deux vaches : les colons pratiquent alors l’élevage de bétail pour assurer leur subsistance, dans une région où la pratique de l’agriculture est rendue très difficile par les conditions climatiques.
Sur cette peinture, on peut observer les quelques bâtiments construits par l’autorité britannique, qui vient de s’établir aux Malouines après en avoir chassé une petite colonie argentine : ils sont alors seulement quelques dizaines. Sur la partie gauche de la peinture, on note la présence de deux vaches : les colons pratiquent alors l’élevage de bétail pour assurer leur subsistance, dans une région où la pratique de l’agriculture est rendue très difficile par les conditions climatiques.
200 ans plus tard
Ce qui rend Port Louis particulièrement intéressant, c’est que l’occupation humaine n’y a pas beaucoup évoluée depuis l’époque de Darwin. L’augmentation de la population s’est en effet concentrée sur Port Stanley, la capitale des Malouines à partir de 1842. On peut d’ailleurs aujourd’hui encore observer les ruines des anciens bâtiments construits par les colons britanniques. La maison de Peter Gilding est, en outre, construite en utilisant des matériaux récupérés de ces anciens bâtiments.
Le paysage n’a ainsi guère évolué, dans l’ensemble, depuis 1833. On reconnait facilement la forme des montagnes, la couleur des collines, voir quelques détails qui avaient retenus l’attention de Conrad Martens, comme la forme rectangulaire de la petite île de Cochon Island que l’on peut observer à l’horizon, tout au centre de la peinture.
Cependant, un détail doit capter toute notre attention : le bétail présent à l’époque de Darwin a laissé place à un troupeau de mouton. L’activité économique aux Malouines est en effet aujourd’hui en grande partie liée à la production de laine (ce à quoi s’ajoute l’industrie de la pêche, et plus récemment celle du tourisme).
Une vue de l’ancienne maison du gouverneur, dont les matériaux ont servi à construire la maison actuelle de Peter. On reconnaît facilement le chemin serpentant autour de l’eau et menant à la maison.
Une vue globale du Careenage, la petite baie au nord de Berkeley Sound où les anciens navires étaient ancrés à marée haute, puis carénés à marée basse.
Une vue de l’ancienne maison du gouverneur, dont les matériaux ont servi à construire la maison actuelle de Peter. On reconnaît facilement le chemin serpentant autour de l’eau et menant à la maison.
Une vue globale du Careenage, la petite baie au nord de Berkeley Sound où les anciens navires étaient ancrés à marée haute, puis carénés à marée basse.
Une partie du cheptel de moutons de Port-Louis : Darwin n’avait vu aucun mouton en 1833, uniquement du bétail.
Les moutons, révolution naturaliste des Malouines
Au fil des années, alors que l’Angleterre envoyait de plus en plus de colons pour prendre totalement possession des Malouines, les moutons ont progressivement supplanté la présence du bétail. Peter nous fait découvrir un ancien livre, datant de 1924, et établissant à 1865 la date à laquelle l’élevage de moutons pour leur laine a pris le devant de l’élevage de bétail pour la production de viande.
Aujourd’hui, les moutons sont présents sur la quasi-totalité de la surface de l’archipel. Les Malouines sont ainsi divisées en une vingtaine d’immenses fermes de plusieurs dizaines de milliers d’hectares, où les moutons vivent en liberté la majeure partie de l’année, pour être tondus une fois par an.
Naturellement, cela n’est pas sans effet sur la biodiversité locale. La voracité des moutons n’a pas épargné les herbes Tussac, d’une importance considérable pour l’écosystème des Malouines, puisqu’elles fournissent en effet un habitat pour de nombreuses espèces d’oiseaux et de mammifères. On estime que 80% des herbes Tussac ont ainsi disparu depuis l’arrivée de l’homme dans la région.
Fort heureusement, les éleveurs sont aujourd’hui largement conscients de l’effet néfaste que leur cheptel peut avoir sur la biodiversité. Ainsi, la construction d’enclos/exclos permet de concentrer les moutons sur certaines zones, afin que d’autres soient maintenues vierges de pression pour laisser la faune et la flore locale prospérer. Cette pratique est extrêmement coûteuse (puisque les surfaces à couvrir sont considérables), on pourrait donc espérer que le gouvernement local participe aux frais qu’engendre cette segmentation du territoire.
En 1865, le cheptel de moutons dépasse celui de bétail, ce qui marque un tournant dans l’histoire naturaliste des Malouines.
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