David, le mécanicien naturaliste

Arrivés au début du mois de novembre à Mindelo, sur l’île de São Vicente, nous avons entamé les préparatifs d’un programme documentaire et scientifique sur le poulpe et une espèce d’alouette endémique de l’île voisine de Raso. J’avais sollicité le soutien logistique et technique de Biosfera pour nous aider à appréhender les îles sur lesquelles nous allions conduire nos activités. David nous fut ainsi présenté comme un guide qui, pour un voyage de reconnaissance de 4 jours à bord de notre navire, pourrait nous indiquer la meilleure manière d’aborder la navigation et la plongée sur ces îles désertiques.

La bonne humeur de David et son adaptation très rapide aux usages de la vie en voilier – une grande première pour lui – me firent très grande impression. Il avait toujours rêvé de voyager un jour à la voile, notre aventure prenait ainsi pour lui une dimension tout à fait spéciale.

Notre objectif était de reconnaître les îles de Santa Luzia et de Raso. Ces deux îles constituent en fait une réserve naturelle dont l’accès est strictement restreint aux activités scientifiques. David nous a ainsi averti de tel ou tel danger, de la puissance des courants parfois puissants aux pointes est et ouest des îles, nous indiquant les zones de mouillage praticables et les corps-morts prévus pour le Jairo Dora Sandoval, sur lesquels nous pouvions nous amarrer. Son expertise approfondie de la région s’est révélée extrêmement précieuse dans le succès du programme d’exploration qui a suivi ce premier voyage.

Son enthousiasme à bord était très révélateur d’une longue expérience de la vie collective en mer. Toujours disposé à participer à la vie du bord, il a montré une énergie toute spéciale lors de la confection d’un plat traditionnel de la culture capverdienne, la cachupa. Mélange de haricots, de maïs et de pois chiches, elle est d’abord servie fraîche avec une sauce tomate et des morceaux de porc salé, puis frite avec des oignons et accompagnée d’oeufs sur le plat dans les jours suivants. Elle est ainsi généralement préparée le dimanche pour assurer de nombreux repas de la semaine.

Son expérience de la navigation et sa jovialité étaient à la mesure de sa connaissance de la biodiversité des îles. J’en pris parfaitement conscience lorsque nous avons débarqué sur l’île de Raso, et qu’il me conduit discrètement auprès des calhandras, ces alouettes pourtant très farouches qu’il est malaisé de repérer puis d’approcher. Accroupi sur le sol rocailleux et quasiment stérile, il m’indique consciencieusement comment ces oiseaux construisent leur nid à même le sol, et dont la forme si particulière permet de mettre les oisillons à l’abri du vent.

Enfin, je reconnus que sa connaissance des îles se poursuivait jusque dans leur partie sous-marine. Equipés de bouteilles de plongée, nous avons réalisé plusieurs immersions sur des lieux identifiés par David. Munis d’une carte marine et des tables de marées, il nous aidait ainsi à choisir les lieux les plus propices à la vie, c’est-à-dire essentiellement les plus exposés au courant. Au retour de ces immersions, il nous détaillait les noms portugais et créoles des animaux rencontrés, le visage toujours éclairé d’un grand sourire émerveillé.

Au cours de ce premier voyage, nous avons ainsi fait la connaissance de notre premier ami mécanicien naturaliste. David irradie d’une énergie débordante, celle d’un pur passionné épris de la richesse de son territoire. Durant les mois qui ont suivi, nous nous sommes revus, avons retravaillé ensemble, et nos liens se sont encore resserrés.

La veille du départ, nous l’avons reçu à bord, l’occasion de boire un dernier verre et d’échanger quelques souvenirs. Au moment de partir, une poignée de main : rendez-vous est pris, dans 4 ans, quand nous repasserons au Cap-Vert lors de notre remontée de l’Atlantique.