Les joies du Héron retrouvé

Fév 9, 2023 | Pedagogie

Une Odyssée qui débute sur les chapeaux de roues !

Les élèves de CE2 et CM1 de l’école de St-Yvi sont réunis ce vendredi 3 février pour eux aussi partir en quête du Héron garde-bœuf. Tout comme les 2nd du Lycée Pierre Guéguin, ils ne sont pas surs d’en observer. En cause une fois encore, les vagues de froid qui se sont succédées depuis le début de l’hiver. En effet, le Héron garde-bœufs est une espèce quelque peu opportuniste qui a au fil du temps su tirer profit de l’adoucissement des températures pour migrer toujours plus au Nord. Mais je ne vous en dis pas plus pour le moment, c’est Jean-Jacques Beley de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) qui va se charger de nous raconter cette histoire. Aujourd’hui, Marina Oget naturaliste en herbe nous accompagne. Et une surprise bienvenue de dernière minute : Martine et Bernard Baudemont membres également de la LPO sont de la partie ! L’après-midi promet d’être riche de nouvelles découvertes.

Un premier temps en classe est pris pour que Jean Jacques nous présente le Héron garde-bœufs. De son alimentation à son histoire migratoire en passant par son comportement, les élèves parcourent l’intégralité des détails à connaitre sur notre nouvel ami. Jean Jacques nous parle même des cousins du Héron, le Héron cendré que nous avons pu voir avec les 2nd du Lycée Pierre Guéguin et l’Aigrette garzette qui est très fréquemment observée sur le littoral Breton. « Savez-vous que l’Aigrette a failli disparaitre, et savez-vous pourquoi ? » nous demande Jean Jacques. Les élèves se regardent interloqués. « Les gens la chassaient pour la manger comme le dodo ? » tente timidement un des élèves. Non, enfin c’est exact, elle a été trop chassée mais pas pour être mise sur le bbq. C’est parce que la mode au XIXème siècle était d’orner les chapeaux ou autres boa duveteux des plumes bien blanches et douces de l’Aigrette. Elle a en effet été trop chassée et a donc failli disparaitre. L’Aigrette ressemble beaucoup au Héron. Mais pour différencier les deux on peut, entre autres, regarder leurs pattes. Chez l’Aigrette elles sont noires et ses doigts sont jaunes, on pourrait croire qu’elle a enfilée des chaussettes. Alors que le Héron garde-bœufs a des pattes et des doigts sombres, qui tirent vers le noir.

 

 

De proches cousins : le Héron cendré – l’Aigrette garzette – le Héron garde-boeufs

« Un autre détail qui est marquant, nous dit Jean-Jacques, est la manière dont ils construisent leurs nids. Le mâle s’occupe d’aller collecter les matériaux nécessaires tandis que la femelle se charge de la construction du nids ». Ils nichent en hauteur au bord de l’eau. « D’ailleurs il est possible de voir des arbres à Héron le saviez-vous ? ». Au niveau du Moros, à Concarneau proche du château il y a un arbre qui au coucher du soleil, se remplit de plusieurs dizaines de Héron garde-bœufs. Certain.es élèves s’exclament « Oui ! Moi je l’ai vu, quand on passe devant le soir il y en a pleins ! ».

Les oreilles sont attentives aux explications de Jean Jacques

 

Jean Jacques nous parle également de l’histoire de dispersion du Héron garde-bœufs. Elle est unique. Ce Héron a connu l’une des plus rapides et importantes extensions naturelles de toutes les espèces d’oiseaux. Originellement présent au Sud de l’Espagne, au Portugal et en Afrique du Nord, il a migré en Amérique du Nord dans les années 1940 et s’est déployé en Europe du Nord dès les années 1960. En France, il a posé une première patte en Camargue puis est progressivement remonté plus au Nord pour qu’aujourd’hui on l’observe en Bretagne. Quelle ascension ! Il a même été vu en Norvège il y a quelques années. « Alors qu’est-ce qui a permis à cette espèce d’étendre à ce point son territoire ? », nous demande Jean-Jacques. Et bien c’est en raison de la propagation de l’élévation de gros bétail à travers le monde. En effet, nous n’avons pas encore abordé ce point-là, mais ce Héron est appelé garde-bœufs pour une raison bien précise. « Oui parce qu’il est toujours à côté des bœufs » nous dit une voix assurée parmi les élèves. Cette espèce de Héron entretient une relation de commensalisme avec le gros bétail. Qu’est-ce que ce mot barbare veut dire ? Le commensalisme est une relation à sens unique : une espèce profite d’une autre espèce pour se nourrir sans que cette autre espèce ne bénéficie de sa présence. Dans notre cas, le Héron profite des insectes et petits vertébrés qui sont remis à la surface par le broutage du bétail. Ils sont donc à côté du bétail et l’accompagnent pour se nourrir sans trop d’efforts, malin n’est-ce pas ? Et c’est parce que l’être humain a commencé à élever du bétail partout dans le monde que le Héron s’est autant dispersé.

Carte de dispersion du Héron garde-boeuf

Bien installés dans le bus, les élèves sont en binôme. À chaque binôme est distribué une paire de jumelles ainsi que l’Atlas de la Biodiversité Communale de Concarneau dans lequel deux pages sont dédiées aux différentes espèces d’oiseaux présentes sur le territoire. Certain.es ont apporté leurs propres jumelles et guide d’identification des oiseaux. Des naturalistes en devenir sont dans les rangs ! Le bus fait un premier stop et attention, surprise inespérée (rappelez-vous des vagues de froid et de la sortie à Pendruc), nous trouvons dans un champs plusieurs bovins accompagnés de Héron garde-bœufs. Animateur de la sortie comme élèves, nous sommes tous très excités par cette rencontre ! Nous restons là, à les observer un long moment, jumelles aux yeux et bavardages dans tous les sens : « Oh regarde, il se déplace », « Wah mais il y en a plusieurs », « C’est vraiment tout blanc, c’est marrant regarde y a d’autres oiseaux qui font des sauts ! ». Oui en effet, nous pouvons observer un certain nombre de Bergeronnettes grises qui sautillent pour attraper des insectes par surprises. Elles doivent elles aussi se servir de la perturbation des bovins pour attraper des insectes à la volée ! Leur plumage noir et blanc nous permet de les différencier assez facilement du sol et nous observons leurs sauts successifs et leurs déplacements. D’autres oiseaux plus communs sont également de la partie. On observe des corvidés : corneilles et corbeaux. Quelques passereaux plus petits passent rapidement sans que nous ayons le temps de les identifier.

 

À gauche un Pipit farlouse et à droite une Bergeronnette grise

Nous repartons en bus pour nous arrêter un peu plus loin et entamer notre marche. Nous avançons en direction de la ferme du Vern pour maximiser nos chances d’observer le Héron. Cette ferme laitière met ses vaches en pâturage tout autour de la route de campagne sur laquelle nous sommes. Un premier arrêt proche d’un enclos nous permet d’observer à nouveau des Bergeronnettes grises. À côté d’une marre nous observons à la longue vue une Grive mauvis, la plus petite des grives. Ses couleurs brunes et orangées compliquent son identification dans les branches de l’arbre où elle se trouve. Heureusement, la longue vue de Bernard et Martine nous permet d’avoir une image bien plus précise qu’avec les jumelles. Les élèves se succèdent pour l’observer, un œil dans la longue vue et un sourire aux lèvres. On observe également un Pipit farlouse dont la livrée (l’apparence du plumage) se fond également dans le paysage.

 

Après un moment d’observation proche de cette marre, Jean-Jacques nous propose d’ouvrir nos oreilles pour essayer d’entendre le Rouge gorge ainsi que la Mésange qui chante. Les élèves réduisent petit à petit le volume jusqu’au silence complet. « Vous entendez ? nous dit Jean-Jacques, ce sont des « tsi » à répétition, de manière claire et fluide qui sont chantés par la Mésange. Le Rouge gorge lui, a un chant qui sonne liquide aux oreilles, on peut presque le visualiser ! ». Les élèves écoutent, essaient de retenir et même de reproduire timidement ce qu’ils ont entendus. L’exercice est difficile. Certain.es sont plus intéressé.es que d’autres et prennent très à cœur l’apprentissage de ces nouvelles espèces. Il y a notamment Emma qui a d’ores et déjà des étoiles dans les yeux. Elle se fait guider par Bernard qui lui transmet des détails croustillants sur le Moineau domestique : « Le Moineau a un genre de bavette noire sur la poitrine. Au plus cette bavette est grande, au plus le mâle est dominant ! ». Intéressant. « Et d’ailleurs, tu sais pourquoi le moineau a un bec un peu arrondi et massif ? C’est pour qu’il puisse manger des graines et bien les casser ». Sans même le savoir, Bernard fait un lien évident avec les notions d’adaptation parcourues la veille. En effet, nous avons vu en classe l’évolution des becs d’oiseaux et ce qu’avait découvert Darwin à ce sujet. Lors de son arrivée aux îles Galápagos, Darwin s’est rendu compte que les becs de pinçons étaient différents d’une île à l’autre. Il en a déduit qu’ils s’étaient adaptés au type de nourriture présent sur l’île. Pour que les élèves comprennent bien ce mécanisme de l’évolution des espèces, nous avons fait un jeu : lier des becs d’oiseaux à l’aliment qu’il pourra manger. Bernard a ainsi permis grâce à son intervention, de lier la théorie vue en classe à un cas pratique sur le terrain, merci à lui !

La Grive mauvis observée avec attention ! 

Nous retournons en classe pour une dernière activité. Dans un premier temps nous faisons appel à la mémoire de nos nouveaux naturalistes. Quels oiseaux ont été vus ? Les mains se lèvent en hâte, chacun.e a une espèce en tête et en l’espace de quelques minutes nous faisons un inventaire exhaustif de celles qui ont été entendues ou aperçues. Au tableau apparait leur nom : Héron garde-bœufs, Mésange charbonnière, Rouge gorge, Bergeronnette grise, Pic vert, Grive mauvis, Pipit farlouse…. Nous en choisissons 4 et faisons écouter leur chant aux élèves qui doivent ensuite essayer de les reproduire. Marina indique au tableau l’espèce et les élèves se mettent à leur tour à chanter, à imiter par des « toc toc toc » sur leur bureau qui est représentatif du tambourinage du Pic vert, à chanter des « tsi tsi tsi »…. Le jeu a l’air de prendre, espérons que les chants soient retenus !

Cette après midi a été riche en apprentissage. Nous nous quittons avec en tête l’espèce de l’expédition à laquelle nous allons comparer notre Héron garde boeufs: l’Ibis rouge du Brésil. Les élèves doivent désormais réfléchir à une création artistique en lien avec la sortie naturaliste. Nous avons hâte de voir ce qui va être inventé pour ravir nos yeux ou nos oreilles, qui sait ?

 

* Les noms des élèves ont été modifiés par soucis d’anonymat

Rédaction : Sacha, service civique en charge de la coordination du programme pédagogiques de l’association Captain Darwin.

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