Un voyage de Bernache cravant, l’enquête de Kerourgué de la Sibérie à l’anse de Penfoulic
C’est durant l’année scolaire 2022-2023 que l’école de Kerourgué à Fouesnant ont rejoint les rangs d’expédition Captain Darwin. Ainsi, les 23 élèves de CE1 sont devenus en quelque sorte, les émissaires locaux de l’enquête sur la biodiversité mondiale, les nouveaux enquêteurs et nouvelles enquêtrices avec comme mission d’aller sur le terrain, comprendre le fonctionnement d’une espèce emblématique : la bernache cravant.
Vol d’oie bernache à ventre sombre
Rendez-vous donc dans la vasière de Penfoulic à la Forêt Fouesnant où l’équipe de Captain Darwin de la Station Marine de Concarneau nous attend. Le froid et les 45 minutes de marche n’ont pas entaché une seule seconde l’engouement et l’arrivée sur le site d’observation se fait dans la bonne humeur.
Arrivée en ensoleillée sur le premier poste d’observation
Le site est d’une exceptionnelle richesse naturaliste en cette saison pour celles et ceux qui savent où regarder. Et ça, Antoine Chabrolle notre guide ornithologue du jour en connait un rayon sur l’observation des oiseaux. Il connait la zone comme sa poche. Il nous a d’ailleurs donné rendez-vous à cet endroit précis en fin de marée montante. Moment idéal, pour s’immiscer dans la vie des habitants à plume de la vasière. L’eau montante immerge l’anse de Penfoulic et les différents individus se regroupent sur les ilots naissants et se laissent observer par les yeux sachant se faire discrets. Mais avant de plonger notre œil dans la longue-vue, il est temps d’en connaitre un plus sur notre zone d’observation, sur l’espèce.
Rien de tel que le guide des oiseaux d’Europe pour guider ses observations sur le terrain
Mais pourquoi donc venir en hiver, il fait quand même plus froid pour observer les bernaches ?
Et oui, la question est intéressante. La bernache est une grande migratrice, elle parcourt 2 fois par an, les milliers de kilomètres qui séparent la Sibérie de la Bretagne. Elle rejoint sa zone de reproduction sibérienne au printemps – sa zone de nidification – et vient chez nous dans la vasière de Penfoulic passer l’hiver au chaud. Elle se plait bien ici. Cela fait des années qu’elle vient se reposer et profiter du doux hiver breton et malgré l’augmentation de la fréquentation des sentiers par les promeneurs indiscrets et les animaux de compagnie. Et oui l’oiseau vient ici hiverner, c’est une période délicate pour lui. Le froid et la nourriture plus limités augmentent l’énergie qu’elle doit développer pour maintenir sa température corporelle à 42°C (La nôtre, celle du corps humain, est de 37°C). Alors on essaye de parler de ne pas les déranger, parler tout bas. Malheureusement un chien puis un baladeur sur l’eau en paddle n’ont pas eu l’information. Les bernaches s’envolent plus loin. Là-haut, dans les lointaines plaines sibériennes, le réchauffement climatique favorise l’augmentation des populations de rongeurs qui se nourrissent de leurs œufs. Pour le moment cela n’a pas l’air de trop les impacter ici, affaire à suivre donc…
Les migrations des bernaches cravants
Antoine nous en dit un plus sur l’animal et comment l’identifier, c’est-à-dire le distinguer des autres. Car oui c’est ça le grand jeu. Savoir reconnaitre une espèce d’une autre, les compter pour les étudier.
Tête et cou noirs, bec noir, ailes noires mouchetées de blanc, ventre noir et croupion blanc. Voici une des deux sous-espèces présentes sur notre zone. Les petits étant eux, un peu plus clair et sur le dos rayé noir et blanc. L’autre sous-espèce présente sur notre zone est la bernache à ventre clair. Tête et cou noirs, bec noir, ailes blanches mouchetées de noir, croupion blanc et ventre blanc.
Au fond 7 bernaches à ventre claire et au premier plan 3 bernaches à ventre sombre
Les présentations sont faites ! À nous de jouer, on passe derrière les jumelles et la longue vue mise en place par Antoine. C’est impressionnant comme on les voit bien, on pourrait les toucher s’étonnent certains. Elles sont nombreuses, disent les autres. Quel régal de les voir évoluer avec les autres oiseaux de la vasière! Sur l’ilot que l’on a identifié se sont réunis bernaches, spatules ainsi que le grand héron cendré. Je dis grand, car c’est l’un des plus grands oiseaux de France, s’il vous plait !
L’observation, quel exercice!
Juste à côté se détache un petit groupe de bernache. Dans cet escadron nous avons l’impression que des juvéniles se sont glissés. Juvénile est le terme pour désigner les jeunes d’une espèce. Ici ce sont les jeunes oies et on les distingue des adultes grâce aux rayures sur leur dos. On les compte.
1, 2… 3, 4 et… 5 ! Oui il y a bien 5 jeunes dans ce groupe de 8.
Comptage des juvéniles en équipe
L’eau monte, les oiseaux s’en vont, répondant aux éléments. On change de zone. Le métier de naturaliste est lui aussi fonction des marées, du vent et de la pluie.
Sur nos nouveaux ilots, quel spectacle. Les bernaches se mélangent aux autres habitants de la vasière. On peut y observer des bécasseaux, une arle huppée, des goélands argentés et même une espèce rare en Bretagne d’un goéland sudiste : le goéland leucophée avec ses pattes jaunes. Le goéland leucophée est arrivé récemment en Bretagne, habituel oiseau de la Méditerranée. Et c’est le réchauffement climatique qui le fait venir à nous.
A la pointe de Cap Coz quand on regarde vers la vasière, quel spectacle
Cette sortie fut l’occasion exceptionnelle de découvrir cette zone littorale si riche, mais qu’il faut regarder avec l’œil du naturaliste si on veut en apprécier toute sa richesse et toute sa fragilité. Les connaissances, d’Antoine amenant des précisions sur l’ensemble des oiseaux observé.
La prochaine fois, on rencontre l’expédition ! Parait-il que Victor a des choses à nous apprendre sur le manchot royal. Mais surtout, envie d’en avoir beaucoup plus sur la magnifique anse de Penfoulic et sa bernache cravant.
Julien Raynaud est coordinateur pédagogique de l’association Captain Darwin. Il organise notamment toutes les sorties naturalistes pour les écoles primaires, les collèges et les maisons des jeunes en Bretagne et en Occitanie.