Explorer la biodiversité de notre territoire –Retour sur la conférence
Le mardi 10 mai 2022 à la médiathèque de Rosporden s’est tenue la première conférence Captain Darwin « Explorer la biodiversité de notre territoire ». L’objectif de cette conférence était de présenter le projet Captain Darwin et de donner l’occasion au grand public de réfléchir aux problématiques qui touchent des espèces emblématiques de notre territoire et de voir quels moyens pouvaient être mis en place pour les protéger. Pour cela nous avons donné la parole à des naturalistes et scientifiques qui sont venus illustrer ces problématiques à travers différentes espèces. La conférence a débuté à 18h, une soixantaine de personnes se sont réunies : habitants des communes CCA, élus, éducateurs à l’environnement, élèves, enseignants, partenaires et évidemment nos cinq intervenants, Nathalie Delliou, Maryannick Cotten, Guillaume Massé, Christian Kerbiriou et Mathilde Thomas-Donval.
Pour cette conférence nous sommes partis dans un premier temps dans les pas de Captain Darwin, pour comprendre l’expédition, le voyage de Victor, le programme pédagogique et les quatre espèces nous permettant de faire un lien avec les espèces qui sont ici sur notre territoire. Ensuite, la parole a été donnée aux scientifiques pour illustrer plus en détail ces espèces et dresser ce comparatif. Pour conclure cette soirée, nous avons pris de la hauteur avec Mathilde Thomas Donval en abordant l’Atlas de la Biodiversité Communale.
C’est un message venu du large qui est venu introduire cette soirée, Victor Rault notre explorateur a pris la parole pour délivrer un discours plein d’énergie, d’inspiration et d’envie d’action. Il est revenu sur le travail effectué par le voilier d’expédition pendant ces 7 derniers mois. Quatre espèces ont été étudiées et de nombreuses problématiques ont été abordées à travers la documentation effectuée sur le poulpe, l’alouette de razo dans l’archipel du Cap-Vert, mais également sur le paresseux à crinière et l’ibis rouge au Brésil.
C’est un message venu du large qui est venu introduire cette soirée, Victor Rault notre explorateur a pris la parole pour délivrer un discours plein d’énergie, d’inspiration et d’envie d’action. Il est revenu sur le travail effectué par le voilier d’expédition pendant ces 7 derniers mois. Quatre espèces ont été étudiées et de nombreuses problématiques ont été abordées à travers la documentation effectuée sur le poulpe, l’alouette de razo dans l’archipel du Cap-Vert, mais également sur le paresseux à crinière et l’ibis rouge au Brésil.
À la suite de cette vidéo, quatre espèces ont été décrites plus en détail. Un zoom sur chacune d’entre elles a été fait par l’équipe pour mieux comprendre leurs fonctionnements, leurs milieux de vie et les menaces qui pensent sur elles.
L’IBIS ROUGE – BRÉSIL
C’est direction le Brésil avec l’ibis rouge que nous sommes tout d’abord partis. Cet échassier qui possède un long bec fin et incurvé, le bout d’ailes noires et bien évidemment un plumage rouge vif, parfois rose orangé, cela dépend de la population, de la saison et de la nourriture. Comme le flamant rose, il tire sa couleur rouge de son alimentation, car il va manger de petits crustacés et notamment des crabes qui contiennent des carotènes (colorants rouges que l’on trouve aussi dans les carottes et les tomates). Cet oiseau est typique des mangroves, un écosystème particulier où les arbres que l’on appelle des palétuviers sont recouverts en partie d’eau salée. Actuellement les principales menaces pesant sur l’ibis rouge sont la modification de ses habitats : l’assèchement des zones humides comme les lagunes, la montée des eaux dans les mangroves côtières, principalement dues au réchauffement climatique, mais aussi la disparition de la mangrove. Les dérangements dus aux activités humaines, dont le braconnage, constituent une part non négligeable des menaces. L’ibis est chassé pour ses plumes et son habitat est victime de l’extension urbaine où l’on coupe les palétuviers pour en faire du bois de chauffage ou pour y installer des fermes d’élevage de crevettes ou des infrastructures.
L’ALOUETTE DE RAZO – CAP-VERT
Place à une autre espèce d’oiseaux, l’alouette de Raso, identifiable grâce à sa huppe ébouriffée sur le haut de sa tête. C’est une espèce endémique de l’île de Razo, dans l’archipel du Cap-Vert, elle était proche de l’extinction en 2004 : il ne restait plus que 57 individus. Au Cap-vert, la seule source d’eau douce est la pluie donc cet oiseau est totalement dépendant de la pluviométrie et cela impacte fortement son taux de reproduction : les années de sécheresse, il est quasi inexistant. En 2013 un projet de création d’une seconde population d’Alouettes de Raso a été envisagé sur l’ile de Santa Luzia. Suite à des études, les scientifiques ont constaté que cette espèce était autrefois présente sur d’autres îles de l’archipel, mais qu’elle avait disparu lors de la colonisation humaine qui avait engendré une réduction de son habitat, une destruction de la faune indispensable à sa vie et également par l’introduction accidentelle de prédateurs envahissants comme le chat. En 2018, ils ont organisé la translocation de cette espèce de l’île de Razo à l’île de Santa Luzia. L’alouette a donc été réintroduite et une nouvelle population vit maintenant sur cette île.
Victor a donc interrogé les scientifiques sur place et grâce à une illustratrice ici en en Bretagne nous avons pu reconstituer les fresques de la biodiversité sur l’île de Santa Luzia depuis le passage de Darwin. Nous leur avons même proposé l’exercice de projection dans l’avenir, ainsi scientifiques, citoyennes et citoyens engagés se sont volontiers, pliés à l’exercice d’imaginer leur île dans 200 ans.
LE PARESSEUX – BRÉSIL
Nous avons pris de la hauteur, cette fois l’espèce étudiée se trouve dans les arbres. En effet, les paresseux sont arboricoles : ils dépendent entièrement de leur milieu de vie en haut des arbres pour leur survie. Non seulement ils y trouvent une végétation particulière et rare dont ils se nourrissent, mais en plus, pour se déplacer, ils sont beaucoup plus adroits dans les arbres qu’au sol du fait de leurs 3 longues griffes. Ils ne descendent que rarement à terre, pour y uriner ou déféquer. Ces paresseux à crinière, on les retrouve uniquement dans la Mata Atlantica, la forêt Atlantique qui est une zone située sur la façade atlantique de l’Amérique du Sud. Il s’agit d’une forêt tropicale humide qui présente une biodiversité extrêmement riche et précieuse. Le paresseux est particulièrement menacé par l’homme en cause principalement : la déforestation qui engendre la destruction des habitats naturels au profit de l’expansion urbaine, de l’agriculture ou de l’élevage. Parmi les autres dangers, on compte également les dangers du réseau routier avec un risque de collision qui s’accroît. L’habitat originel des paresseux est donc fragmenté et les différentes populations se trouvent isolées et ne peuvent, parfois, perdurer faute de pouvoir se reproduire. Cette faible diversité génétique sur certains territoires indique qu’il est nécessaire d’agir pour sauver ces espèces.
Des aires protégées ont été mises en place, mais ces actions restent insuffisantes. Il y existe aussi des centres de réhabilitation et de gestion de la faune sauvage. Une initiative simple est de créer des ponts en bois, en cordage pour venir connecter deux morceaux de forêt, comme un passage piéton. Victor lui est allé à la rencontre du projet Arboretum une initiative de reforestation. Créé et financé par le gouvernement brésilien, ce projet a pour objectif de replanter d’anciennes parcelles de forêt aujourd’hui désertes.
LE POULPE – CAP-VERT
Pour finir, un plongeon dans les eaux capverdiennes avec la quatrième espèce que nous avons liées aux espèces bretonnes : le poulpe (Octopus vulgaris). Ce céphalopode est extrêmement intéressant, il a développé la capacité d’utiliser des outils, des capacités de prédation et des techniques de défense avancées. Il a aussi développé de redoutables techniques de camouflage dynamique en fonction de son environnement, grâce auxquelles il change de couleur en l’espace de quelques secondes. Cette espèce fascinante interagit avec le miroir, c’est une des rares espèces animales à réussir ce test de reconnaissance de son propre reflet. Quand Darwin est arrivé au Cap Vert, il a décrit cet archipel comme un lieu stérile abritant très peu de vie. Mais une fois sous l’eau tout change, il y a des algues, des coraux, des poissons, des mollusques, des requins… c’est intéressant, car il y a un mélange entre écosystème tempéré et écosystème corallien. Par exemple vous avez ces roches recouvertes d’algues encroûtantes et d’un côté vous avez des poissons-nettoyeurs typiques des récifs coralliens. C’est une zone de rencontre unique en termes de biodiversité. Au Cap-Vert le poulpe a bénéficié, d’un petit coup de pouce dans les années 60/70, des bateaux de pêche ont prélevé beaucoup de requins qui sont ces principaux prédateurs.
À l’issue de cette présentation, la parole a été donnée aux scientifiques de l’agglomération Concarnoise.
LE HERON GARDE BŒUF par Nathalie Delliou
Nathalie Delliou d’esprit nat’ure nous à donc présenté le Héron Garde-bœufs en comparaison de l’ibis rouge. Cette espèce nous la retrouvons maintenant un peu partout et notamment dans les étangs de Trévignon. Cet échassier, ne migre plus en Bretagne, il y est maintenant résident permanent du fait du réchauffement climatique, nous explique Nathalie.
Extension de cette espèce vers le nord
C’est une espèce en expansion qui vit autour des zones humides, deux grandes zones de nidification ont d’ailleurs été repérées sur les bords de l’Aven, nommés héronnière, ils vont s’y regrouper tous ensemble dans le haut des arbres. Le héron garde-bœufs cohabite avec les autres échassiers, et en général dans les arbres, on retrouve le héron cendré tout en haut, puis les aigrettes et le héron garde-bœuf tout autour. Mais les espèces dont l’aire de répartition change peuvent parfois poser problème à la flore et la faune locale, ajoute Nathalie.
LES HIRONDELLES par Maryannick Cotten
Une autre espèce migratrice était également à l’honneur: l’hirondelle en comparaison de l’alouette de razo. Maryannick de la LPO nous parle des 3 différentes espèces d’hirondelles, de leurs habitats. Elle ajoute que sur certaines communes du Finistère elles ont presque disparu – une réduction de 40% en deux décennies. Elles sont notamment confrontées au dérèglement climatique (augmentation des tempêtes de sable durant leur migration à travers le Sahara et des épisodes de grand froid tardif à leur retour), aux pollutions qui infectent les insectes dont elles se nourrissent ou encore à la bétonisation des centres-ville qui leur enlève leur matériaux de construction de leur nid – la boue.
Actions en faveur des hirondelles
La LPO mène des actions pour aider les hirondelles qui sont très menacées, une vingtaine de bénévoles se trouve dans le groupe pour effectuer un recensement (mené depuis 3 ans), cartographier les nids dans tout le Finistère, sensibiliser les particuliers, communiquer avec les 280 communes du Finistère. Maryannick ajoute à cela la construction de nids artificiels faits par des bénévoles.
LA CHAUVE-SOURIS GRAND RHINOLOPHE par Christian Kerbiriou
Nous restons sur une espèce volante, mais cette fois il ne va pas s’agir d’un oiseau, mais d’un mammifère, la chauve-souris rhinolophe en comparaison du paresseux. Cette chauve-souris est identifiée comme espèce rare, en danger à protéger en priorité à l’échelle française et européenne. Christian nous explique que la rareté chez cette espèce vient de son abondance, le nombre d’individus n’a jamais été très important, mais surtout, il n’y en a pas dans toute la France, une des raisons c’est qu’il n’aime pas les hivers très froids.
Aire de répartition du grand rhinolophe (en violet et jaune les zones où ils sont le plus présent)
Le grand rhinolophe affectionne le paysage breton, car il y a beaucoup de haies, de bocages. À l’inverse on ne le retrouve pas dans les milieux agricoles très ouverts, une étude a montré que la moitié des rhinolophes décident de ne plus franchir une zone quand le trou séparant deux haies est supérieur à 50 mètres. Quand on vient, raser, couper, réaménager, cela devient alors très compliqué pour eux. Avec le Groupe Mammalogique Breton, Christian travaille sur les zones à forte continuité du paysage (dans le sud du Finistère il y a une zone de maillage très dense il ya donc des enjeux à conserver se maillage). Ils ont aussi identifié les zones où il y a des enjeux à replanter des haies. L’espèce est en augmentation depuis les dernières années. Christian termine avec une anectode, cette chauve-souris est plus proche de l’ours que de la souris, en effet, elle prend 4 à 5 ans avant de se reproduire pour la première fois.
LE POULPE (breton cette fois) par Guillaume Massé
C’est maintenant à Guillaume Massé de prendre la parole et de nous parler d’une espèce marine : le poulpe. Guillaume commence en abordant le fait qu’il y a de nouveau des poulpes dans la baie de Concarneau, en effet, la population cette année a augmenté de façon exponentielle. À Concarneau 1930 les poulpes étaient déjà très présents, en témoigne une photo d’un poulpe dans un aquarium du Marinarium. Impact sur la biodiversité : effectivement le poulpe est intelligent, c’est un prédateur efficace, il va se nourrir de coquille Saint-Jacques.
Poulpe au Marinarium de Concarneau dans les années 60
Comme nous l’avons vu au début, le poulpe au Cap-Vert a bénéficié d’un petit coup de pouce, en effet, les humains ont beaucoup péché les requins que ce soit pour leur aileron ou en prise accessoire. Ces requins sont les prédateurs du poulpe, or en Bretagne, les scientifiques ont remarqué la présence de requin-peau bleu au large de Concarneau, peut-être qu’il y aura une régulation d’ici quelques années, déclare Guillaume. Pour terminer sur le poulpe, la température va être une contrainte très forte pour lui et sa prolifération serait entre autres liée à l’oscillation atlantique multidécennale. Cette oscillation naturelle est une variation de période chaude et de période froide liée à la force des courants qui varie en intensité sur un cycle d’environ 80 ans.
L’ATLAS DE LA BIODIVERSITE COMMUNALE par Mathilde Thomas-Donval
Enfin, pour conclure la conférence, Mathilde Thomas Donval est venue nous présenter de l’Atlas de la Biodiversité Communale. Cet outil a été lancé en 2017 et s’est achevé en octobre 2020. L’objectif de l’ABC est d’avoir un état des lieux de la biodiversité sur un secteur géographique donné. À Concarneau, il est venu en parallèle de la revision de Plan Local d’Urbanisme, en effet, il paraissait très important d’avoir un porté à connaissance en matière de biodiversité pour pouvoir travailler sur la nouvelle planification de la ville. Ce projet porté par l’Office Français de la biodiversité a une partie dédiée à la collecte de données, les inventaires d’espèces quelles soient faunistiques ou floristiques.
La seconde partie concerne l’animation, car l’objectif de l’ABC est d’en faciliter la compréhension pour que la biodiversité soit vraiment l’affaire de toutes et tous : scientifiques, élus, habitants de Concarneau. Les référencements se sont fait par le biais d’inventaires qui ont ensuite été cartographiés, ce qui permet d’avoir des outils d’aide à la décision et donc de guider l’action publique. Ces inventaires ont été faits par des scientifiques, des spécialistes et de bénévoles à partir de protocole déjà défini et également à partir d’une base de données déjà établie. L’ABC c’est aussi une démarche d’animation dans le but de faire découvrir la biodiversité et aussi participer aux inventaires de la biodiversité communale. C’est environ 880 espèces qui ont été recensées.
La seconde partie concerne l’animation, car l’objectif de l’ABC est d’en faciliter la compréhension pour que la biodiversité soit vraiment l’affaire de toutes et tous : scientifiques, élus, habitants de Concarneau. Les référencements se sont fait par le biais d’inventaires qui ont ensuite été cartographiés, ce qui permet d’avoir des outils d’aide à la décision et donc de guider l’action publique. Ces inventaires ont été faits par des scientifiques, des spécialistes et de bénévoles à partir de protocole déjà défini et également à partir d’une base de données déjà établie. L’ABC c’est aussi une démarche d’animation dans le but de faire découvrir la biodiversité et aussi participer aux inventaires de la biodiversité communale. C’est environ 880 espèces qui ont été recensées.
La trame verte et bleue
Des réservoirs de biodiversité ont été identifiés ainsi que des corridoirs permettant ensuite de définir des trames vertes et bleues. Nathalie ayant participé à l’élaboration de l’ABC ajoute que cet état des lieux a par exemple révélé que le crapaud n’existe pas à Concarneau. Cela a permis de relever des espèces qui sont relativement communes sur lesquelles il n’y avait pas de données. Ce document permet aussi aux structures associatives de remonter aux élus des petites consignes simples, mais qui permettent de préserver la biodiversité.
Lors de cette conférence, nous avons eu la chance d’être entourés de spécialistes qui nous ont aidés à comprendre les problématiques qui touchent des espèces que nous rencontrons au quotidien, d’identifier les menaces et les solutions qui s’offrent à nous pour limiter nos impacts et aider ces espèces, ces habitats. Le public présent a donc pu découvrir nos espaces de nature sous un nouvel angle, à travers l’expédition Captain Darwin et par le biais de comparaisons naturalistes.
Rédaction : Eva Texier, stagiaire en charge de la coordination des programmes scientifiques et pédagogiques de l’association Captain Darwin.